24

 

« Vous n’avez pas eu de problèmes pour entrer ?

— Votre système de sécurité est bon, pas parfait, mais suffisant pour décourager la plupart des cambrioleurs et des vandales.

— Vous me recalez alors ?

— Non. Disons que je vous accorde la moyenne. »

Pitt se dirigea lentement vers une vieille glacière de chêne qu’il avait transformée en bar. Il ouvrit la porte et demanda :

« Vous désirez boire quelque chose, Mr. Casio ?

— Un Jack Daniel’s avec de la glace, s’il vous plaît.

— Vous avez de la chance, j’en ai justement une bouteille.

— J’avais regardé avant, fit Casio. Oh ! à propos, j’ai pris la liberté d’ôter le chargeur.

— Le chargeur ? demanda Pitt innocemment.

— Oui, celui du Mauser automatique calibre 32, numéro de série 92237A, astucieusement scotché derrière la bouteille de gin. »

Pitt lui lança un regard intrigué.

« Combien de temps ça vous a pris ?

— Pour tout fouiller ? »

Pitt ouvrit le frigo pour prendre de la glace.

« Environ trois quarts d’heure, répondit Casio.

— Et vous avez trouvé les deux autres revolvers que je garde ici ?

— Trois, en fait.

— Vous avez bien travaillé.

— Rien de ce qui est caché dans une maison ne peut m’échapper. Simple question de technique. »

Casio ne se vantait pas. Il se contentait d’affirmer une évidence.

Pitt versa le bourbon et l’apporta dans le living sur un plateau. Casio saisit le verre de la main droite. Pitt lâcha alors brusquement le plateau, braquant un petit automatique calibre 25 sur la tempe du détective.

Celui-ci ne réagit que par un mince sourire.

« Bravo ; approuva-t-il. Il y en avait donc cinq en tout.

— Dans un carton de lait vide.

— Bien joué, Mr. Pitt. Et surtout d’avoir attendu que j’aie la main droite occupée. Ça prouve qu’il vous arrive de réfléchir. Je vais devoir réviser votre note. »

Pitt remit le cran de sûreté et baissa son arme.

« Si vous étiez venu ici pour me tuer, Mr. Casio, vous l’auriez déjà fait. Quel est donc le but de votre visite ? »

Casio désigna sa serviette d’un signe de tête :

« Je peux ?

— Je vous en prie. »

II posa son verre, ouvrit la serviette et en tira un dossier maintenu par des élastiques, expliquant :

« Une affaire sur laquelle je suis depuis 1966.

— Ça fait un bail. Vous devez être un homme tenace.

— Je déteste abandonner en cours de route, admit Casio. C’est comme de ne pas terminer un puzzle ou un bon bouquin. Un jour ou l’autre, tout privé tombe sur une affaire qu’il ne parvient pas à résoudre. Et celle-ci, Mr. Pitt, me touche personnellement. Tout a commencé il y a vingt-trois ans quand une fille, une caissière de banque du nom d’Arta Casilighio, a volé 128 000 dollars dans une succursale de Los Angeles.

— En quoi cela me concerne-t-il ?

— La dernière fois qu’on l’a vue, elle embarquait à bord d’un cargo appelé le San Marino.

— Je comprends. Vous avez lu l’article parlant de la découverte de l’épave.

— Effectivement.

— Et vous pensez que la fille a disparu avec le San Marino ?

— J’en suis certain.

— Dans ce cas l’affaire est réglée. Le voleur est mort et l’argent perdu à jamais.

— Ce n’est pas si simple, fit Casio en contemplant son verre. Il ne fait aucun doute qu’Arta Casilighio soit morte, mais l’argent, lui, ne s’est pas perdu à jamais. Arta avait pris des billets neufs. Les numéros de série étaient notés. Il était donc facile de les retrouver. (Il s’interrompit pour lever la tête et fixer son interlocuteur droit dans les yeux.) Il y a deux ans, l’argent a refait surface. »

Une lueur d’intérêt s’alluma dans le regard de Pitt. Il s’installa dans un fauteuil en face du privé.

« Tout ? » demanda-t-il.

Casio acquiesça :

« Oui, mais pas d’un seul coup. 5 000 dollars à Francfort, 1 000 au Caire, toujours dans des banques étrangères. Rien aux Etats-Unis, sauf un billet de 100 dollars.

— Alors c’est qu’Arta n’est pas morte avec le San Marino.

— Si. Aucun doute, elle a bien sombré avec le bateau. Le F.B.I. a fait le rapprochement entre elle et un passeport volé appartenant à une certaine Estelle Wallace. Grâce à ça, ils ont pu suivre sa trace jusqu’à San Francisco où ils l’ont perdue. J’ai continué à enquêter et j’ai fini par tomber sur une sorte de vagabond auquel il arrive de conduire un taxi quand il a besoin d’argent pour se soûler. Il s’est rappelé l’avoir déposée devant la passerelle du San Marino.

— Vous pouvez vous fier à la mémoire d’un ivrogne ?

— Arta l’a payé avec une coupure de 100 dollars flambant neuve. Il n’avait pas la monnaie et elle lui a dit de tout garder. Croyez-moi, il n’a eu aucun mal à se souvenir de cet événement.

— Le vol de billets provenant de la Réserve fédérale relève du F.B.I. Quel est donc votre rôle dans cette affaire ? Pourquoi vous obstiner à poursuivre une criminelle si vous êtes sûr qu’elle est morte ?

— Avant d’avoir abrégé mon nom pour des raisons professionnelles, je m’appelais Casilighio. Arta était ma fille. »

Un silence pesant s’établit dans la pièce. Par les fenêtres surplombant le fleuve leur parvint le grondement d’un jet qui décollait. Pitt se leva pour aller dans la cuisine. Il versa du café froid dans une tasse et la glissa dans un four à micro-ondes.

« Un autre verre, Mr. Casio ? proposa-t-il.

— Non, merci.

— Donc, je présume que pour vous il y a quelque chose d’étrange dans la disparition de votre fille ?

— Ni elle ni le bateau ne sont arrivés au port. Et pourtant l’argent qu’elle a dérobé a réapparu d’une manière suggérant qu’on l’a blanchi petit à petit. Ça ne vous semblerait pas étrange à vous, Mr. Pitt ?

— Je dois reconnaître que vous avez raison. (Le four émit une petite sonnerie et Pitt en retira une tasse fumante.) Mais je ne comprends pas ce que vous attendez de moi.

— J’ai quelques questions à vous poser. »

Pitt alla se rasseoir. Il était maintenant plus qu’intéressé.

« N’espérez pas que je vous livre tous les détails.

— Je vois.

— Allez-y, je vous écoute.

— Où avez-vous retrouvé le San Marino ? Dans quelle région du Pacifique ?

— Près de la côte sud de l’Alaska, répondit Pitt, restant dans le vague.

— Ce n’est pas tout à fait la route d’un bateau allant de San Francisco en Nouvelle-Zélande.

— Effectivement, reconnut Pitt.

— Il a donc dévié de 2 000 milles ?

— Quelque chose comme ça. (Il prit une gorgée de café et fit la grimace. Il était beaucoup trop fort.) Mais avant de continuer, je dois vous préciser que vous n’aurez pas ces renseignements pour rien. »

Casio lui lança un regard étonné :

« Vous ne m’avez pourtant pas donné l’impression d’un homme à se faire payer.

— J’aimerais seulement avoir les noms des banques européennes par où est passé l’argent volé.

— Pourquoi ? fit le détective sans dissimuler sa surprise.

— Je ne peux pas vous le dire.

— Vous n’êtes pas très coopératif. »

Pitt allait répondre lorsque le téléphone placé en bout de table se mit à sonner.

«Allô !

— Dirk, Yaeger à l’appareil. Vous ne dormiez pas ?

— Merci d’appeler. Comment va Sally ? Elle est sortie de la salle de réanimation ?

— Vous ne pouvez pas parler ?

— Pas vraiment.

— Mais vous pouvez écouter ?

— Aucun problème.

— Mauvaises nouvelles. Je ne trouve rien. Autant chercher une aiguille dans une meule de foin.

— Je peux peut-être vous aider. Attendez une minute. »

Il se tourna vers Casio.

« Alors cette liste ? »

Le privé se leva, se servit un autre Jack Daniel’s et déclara enfin :

« Un marché, Mr. Pitt. Le nom des banques contre ce que vous savez sur le San Marino.

— La plupart des informations à ce sujet sont top-secret.

— J’en ai rien à foutre ! Elles pourraient être tatouées sur les fesses du Président, ce serait la même chose. Ou on fait affaire ou je plie bagage.

— Comment saurez-vous que je vous dis la vérité ?

— Ma liste pourrait être bidon.

— Il faut donc que nous nous fassions mutuellement confiance, dit Pitt avec un petit sourire.

— Mon œil ! grogna Casio. Mais ni vous ni moi n’avons le choix. »

Il prit une feuille de papier dans le dossier et la tendit à Pitt qui communiqua aussitôt les renseignements à Yaeger.

« Et maintenant ? lança le détective privé.

— Maintenant, je vais vous dire ce qui est arrivé au San Marino. Et au petit déjeuner je serai peut-être en mesure de vous apprendre qui a tué votre fille. »

 

Panique à la Maison-Blanche
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